Pourquoi l’oxyde d’éthylène présente un risque acceptable à court terme?

Contexte du rappel des produits contaminés à l’oxyde d’éthylène (OE) :

Depuis septembre 2020, les autorités sanitaires françaises ont été informées par la RASFF (Rapid Alert System for Food and Feed) d’un dépassement de la limite maximale de résidus en oxyde d’éthylène (LMR : limite réglementaire : 0,05 mg/kg, conformément au règlement CE 396/2005 du parlement européen et du conseil du 23 février 2005). De plus, certains lots de graines de sésames présentaient des concentrations dépassant jusqu’à 100 fois la LMR.

Dans le présent cas étudié, une teneur de 30 mg/kg d’oxyde d’éthylène a été mesurée dans les graines de sésame.

Les contrôles réalisés par la DGCCRF ont également mis en évidence que d’autres produits (psyllium, curry, curcuma, farine de caroube, gomme de guar…) étaient susceptibles d’être contaminés. Des mesures de retrait/rappel des produits ont été mises en œuvre.

Bien que le risque à court terme, pour le consommateur, d’un tel dépassement de la teneur maximale réglementaire soient modéré, le risque à long terme d’une exposition chronique à ce pesticide peut-être beaucoup plus élevé.

Qu’est-ce que l’oxyde d’éthylène

L’Oxyde d’éthylène (OE) est un gaz produit par l’oxydation naturelle (flore microbienne) ou industrielle (catalyse en présence d’argent) de l’éthylène. Il est utilisé dans de nombreux produits (certains gaz propulseur, additifs de carburant, pesticides…) et a été utilisé pendant une quarantaine d’année comme biocide.

Aujourd’hui, son utilisation comme insecticide dans les denrées alimentaires reste ponctuelle. Elle est même interdite comme substance active dans les insecticides au niveau européen. Toutefois, une LMR (limite maximale de résidus) autorisée a été définie pour chaque type d’aliments susceptible de contenir des résidus d’OE (0,05 mg/kg pour les graines d’oléagineux et les Noix, 0,1 mg/kg pour les épices, 0,02 mg/kg pour les agrumes…)

Quels sont les dangers ?

Une exposition aiguë (forte dose, ex : professionnels) à l’oxyde d’éthylène peut entrainer des irritations des muqueuses (oculaire et respiratoire), des troubles digestifs, ainsi que des troubles neurologiques.

Dans le cas d’expositions chroniques (répétées) des atteintes du système nerveux centrale, des effets génotoxiques, des excès de risques de cancer du sang ou encore l’augmentation de fausses couches peuvent être observés.

La caractérisation du danger et évaluation des risques

Les substances cancérogènes génotoxiques sont considérées comme agissant sans seuil de dose, en d’autres termes, même de très faibles niveaux d’exposition sont associées à un excès de risque de cancer.

Pour ce type de composés, l’EFSA recommande depuis 2005, l’approche de la marge d’exposition (MOE) basée sur une dose de référence de type : Benchmark dose. Notons que cette approche s’applique à une exposition chronique (le cas d’une exposition répétée tout au long de la vie).

À défaut, lors d’exposition de courte durée, l’approche à privilégier est celle de l’excès de risque unitaire (ERU). Elle émet le postulat d’une relation linéaire entre la dose d’exposition et la probabilité d’occurrence d’un cancer dans la population.

Les calculs de risques dans le cas présenté, se font selon deux scénarii différents :

  • Le premier scénario est une exposition ponctuelle, accidentelle correspondant à la consommation de pain aux graines de sésames provenant de lots présentant de l’oxyde d’éthylène en concentration supérieure à la limite réglementaire (soit des graines contaminées à hauteur de 30 mg/kg). Dans ce cas, on prend comme référence un effet subchronique* (ou court terme). Ainsi nous retenons une BMDL10 (Benchmark dose lower confidence limit 10%) de 10 mg/kg/j. Ainsi la MOE calculée est bien supérieure à 100. On peut considérer le risque comme acceptable dans notre cas.

  • Le second scénario correspond à une exposition chronique (vie entière) et au risque cancérogène. Un excès de risque unitaire (ERU) est donc calculé. Dans le présent scénario, l’ERU est de 0,55 mg/kg pc/j (Fowles et al. 2001). Par ailleurs, d’après l’étude INCA3 et les dosages réalisés dans les lots dépassant la LMR, la dose journalière d’exposition est de 1 µg/kg/j. Ainsi la MOE pour le scénario le plus réaliste est de 10000.

En d’autres termes dans le cas d’une exposition ponctuelle, il n’y a pas de risque pour le consommateur d’ingérer un produit dépassant la LMR de l’Oxyde d’éthylène.

Dans le cas d’une exposition vie entière, le niveau de risque unitaire peut-être très variable selon la fréquence de consommation. Ainsi le niveau de risque peut varier d’acceptable à inacceptable en fonction du niveau d’exposition. Toutefois, notons que ces modèles de calculs de risque long terme sont considérés comme très protecteurs.
Les niveaux de risques calculés pour l’effet cancérogène impliquent à minima un retrait des lots concernés rendant ainsi peu probable le scénario d’exposition long terme. Celui-ci pourrait se justifier par précaution en raison des incertitudes du modèles de calculs utilisés.

*Des expositions subchroniques orales chez le rat provoquent une perte de poids, une irritation gastrique et une altération hépatique modérée

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